Espace Art & Essai
Rennes 2 University (FR)
2015
“Cao Su Pleure”
Solo show
With the master of curatorial practice
Exhibition Project
Excerpt from Traces Tracés Tracer, a text by Elvan Zabunyan,
published in “La Rouge”, catalog of the exhibition.
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On ne sait alors pas beaucoup du lien de Thu Van Tran à son pays natal si ce n’est que, dans son travail, dans la volonté de revenir sur les traces d’un passé pas si lointain, elle convoque toute une histoire de la révolte, de la révolution, de la guerre, de la résistance à l’ennemi. Le Vietnam est à la fois une origine et un retour et le mouvement intrinsèque de ce chemin semble se faire par une observation des éléments fédérateurs que cette terre induit. En effet, ce n’est pas parce que Thu Van Tran est née à Hô Chi Minh-Ville que l’on va de façon immédiate relier son travail au Vietnam. Mais c’est parce que le Vietnam, dans sa complexité généalogique, politique, géographique, écologique, est un symbole des luttes internationales, et qu’il permet de créer un espace d’investigation immense, qu’on tente de comprendre la spéci cité des recherches artistiques menées et les formes qui en naissent.
On n’est donc pas ici dans un procédé orientant la lecture à partir d’une identité première mais au contraire, on revient vers celle-ci parce que l’artiste entretient un lien étroit avec le Vietnam, moteur de plusieurs de ses projets, dont celui qu’elle réalise à Rennes avec les étudiant-e-s. Son respect du labeur s’exprime dès lors par une volonté paradoxale d’expérimenter jusqu’à la saturation. Puis, une fois la saturation atteinte, de saisir le vide qui en découle. Enlever ce qui est en trop. Ce désir d’épuration, s’il est visible dans la nature même de ses productions, va aussi de pair avec une observation des mouvances qui composent un territoire dans son horizontalité et dans sa verticalité, dans sa division et dans son union.
Il semblerait possible d’imaginer que les mobiles présentés dans l’exposition Cao su pleure (L’Entaille, La Balle) en pendants aux niveaux (Amazone mesure de l’Horizon, Amazone mesure de la Verticalité, Amazone mesure de l’Oblique) soient des allégories sculpturales de ces inscriptions cartographiques. Ces tracés sont très fréquemment convoqués lorsque le Vietnam est décrit. Dans «La guerre de Libération du peuple vietnamien contre les impérialistes français et les interventionnistes américains» (1945-1954), le portrait du pays que fait le général Vo Nguyen Giap, commandant en chef de l’Armée populaire du Vietnam, est le suivant: «Le Vietnam est l’un des états les plus anciens du Sud-Est Asiatique. S’étendant comme un S immense sur les bords du Paci que, il comprend le Bac Bo au Nord qui forme avec le delta du Fleuve Rouge une région riche de possibilités agricoles et industrielles, le Nam Bo au Sud, vaste plaine alluviale arrosée par le Mékong, est essentiellement agricole, et le Trung Bo au Centre, longue bande de terre étroite reliant les deux deltas.»
Ce que l’on retient de cette description est la forme oblongue du pays qui n’est pas sans rappeler l’outil que les ouvrières et ouvriers utilisent pour les entailles et que Thu Van Tran moule en plâtre teinté de rouge pour le poser en équilibre sur la poutre en hévéa d’un des mobiles. Le tracé entre le nord et le sud du Vietnam est, selon l’historien Jean Chesneaux, une «configuration singulière [qui] pose le problème de l’unité vietnamienne...»
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