Exhibitions

Martine Aboucaya Gallery
Paris (FR)
2011

“The Human Stain”
Solo show

Matrix by Hélène Meisel

Matrix: A hollow mold, in metal or another material, serves to provide a given form to an object by compression, cutting, deformation or embossing.

This first definition, purely technical, describes the molding process Thu Van Tran regularly practices. Working by way of wearing and tearing away at different types of mold, the artist pays homage to the principle enunciated by Robert Filliou in 1969: “Done well = poorly done = not done”. In fact, for Thu Van Tran, an unsuccessfully made mold can always be render as a successful mold, insofar as the relation of it to the perfect matrix. In addition, her drawings entitled Objects à charge explore various phenomena taken up or abandoned by the material, from fossilization to landslide; to plaster injections that revealed body cavities buried in Pompeii. These Objects à charge, while they act as support to the sculptural materials, assume their own critical and emotional significance.

The matrix is not merely hollow and it contains other metaphysical realities: the center of organic reproduction, the anatomy of maternity, filiation and heredity; and especially, as cultural model or moral molding which distorts and formats. And in the same manner that the concrete matrix disappears as soon as it is poured into the cavity and the invisible molded form is only a resemblance of the original, the ideal matrix does not manifest in persistent form. In essence, the matrix leads to different hypotheses yet it's nature, always assumed as a never changing constant like in it's earlier state, untouched and pure. It is an assumption based on speculation, in sum, that is bounded in certain conformity.

Puritanism, racism, ostracism, etc., – Such are the fictional matrixes which justify the theories of absolute without mixture that Thu Van Tran discerns in her exhibition. The title of the exhibition La Tache is inspired by the 2002 Philippe Roth’s novel, The Human Stain, in which a university professor managed in concealing his black origin throughout his academic career because of his light skin, in the hopes of protecting his social and intellectual respectability. An irony perhaps, that Coleman Silk was later charged with racism by two black students. The ambiguity of the protagonist recalls that of the artist Adrian Piper or the American President Barack Obama, although both are of mixed origins, somehow they are always perceived as black rather than white. Nevertheless, Piper will not yield to any racial opportunism, for he considered that to simply pass as a white person, would be a racist self-denial and schizophrenic.

The works of Thu Van Tran evoke the fiction of purity and the reality of the mixture – of inter-racial marriage and cross-breeding, transplant and parasite, isolationism and colonization – across different moments – Vietnam War, family history or Minimal Art in America. Face with the physical stain (salissure) or a moral stain (souillure), one can draw many alternatives: to collaborate or resist, to repress or assume, to claim or deny. The artist is careful not to specify which of the two options – to darken, (dirty) or to lighten, (clean) – is consider the more pure. By definition, one can always reverse from one state to another.

Matrice : Moule creux, en métal ou d'une autre matière, servant à donner une forme déterminée à un objet par compression, découpage, déformation ou emboutissage.

Cette première définition, purement technique, décrit le processus de moulage régulièrement pratiqué par Thu Van Tran. En travaillant à l’usure du moule et à la dissemblance du moulage, l’artiste rend hommage au principe d’équivalence énoncé par Robert Filliou en 1969 : « Bien fait = mal fait = pas fait ». En effet, pour Thu Van Tran, un moulage raté est toujours en même temps réussi, dans la mesure où il renvoie à une matrice parfaite. Ses dessins intitulés Objets à charge explorent d’ailleurs divers phénomènes de prise et d’abandon de la matière, de la fossilisation au glissement de terrain en passant par les injections de plâtre qui ont révélé les cavités des corps ensevelis à Pompéi. Mais, ces Objets à charge, en même temps qu’ils supportent la pesanteur du matériau, assument aussi une charge critique et passionnelle.

La matrice n’est donc pas si creuse et renferme d’autres réalités plus métaphysiques : le siège de la reproduction organique, l’anatomie de la maternité, de la filiation et de l’hérédité ; et surtout, le modèle culturel ou le moule moral, qui déforme et formate. Et, de la même manière que la matrice concrète est vouée à disparaître après avoir pressé dans sa cavité le contact invisible d’une empreinte ressemblante, la matrice idéale ne se manifeste sous aucune forme persistante. Pure vue de l’esprit, elle entraîne diverses hypothèses quant à sa nature, indéfiniment fantasmée comme siège d’un état premier, intouché et pur : une spéculation, en somme, avec laquelle il faut être en conformité.

Puritanisme, racisme, ostracisme, etc. – telles sont les fictions matricielles qui justifient les théories d’absolus sans mélange et dont l’exposition proposée par Thu Van Tran observe les dérèglements. Son titre, La tache, est tiré du roman de Philippe Roth, The human stain (2002), dans lequel un universitaire en fin de carrière parvient à dissimuler ses origines noires toute sa vie, grâce à sa peau claire. Ce dans le but de s’assurer une respectabilité sociale et intellectuelle. Ironie du sort, Coleman Silk sera taxé de racisme par deux élèves noirs. L’ambiguïté du héros rappelle celle de l’artiste Adrian Piper ou du président Barack Obama, qui bien qu’étant métis, sont toujours perçus comme noirs plus que blancs. Piper ne cédera pourtant à aucun opportunisme racial, estimant que se faire passer pour blanc serait un reniement raciste et schizophrénique.

Les œuvres de Thu Van Tran évoquent ainsi la fiction de la pureté et la réalité du mélange – mariage mixte et métissage, greffe et parasite, isolationnisme et colonisation – à travers différents moments – la guerre du Viet Nam, son histoire familiale ou celle de l’art minimal américain. Face à la salissure physique ou à la souillure morale, il se dessine plusieurs alternatives : collaborer ou résister, refouler ou assumer, revendiquer ou nier. L’artiste se garde de préciser laquelle des deux options – se salir ou se blanchir – est la plus pure. Même si en définitive, il se pourrait bien que se blanchir revienne à se salir.

Tâche première : Traînée de poussière
« Trail Dust » est le nom que choisit l’armée américaine pour désigner l’opération d’épandage toxique menée en 1965 dans le sud du Viet Nam. Traînée de poussière. Bien que l’expression jouisse de résonances aussi grisantes que le titre d’un western ou le sillage d’une comète, elle fait référence à l’état poudreux de l’agent orange, en réalité rose brunâtre. L’armée eut ainsi recours à une palette multicolore d’armes chimiques, rassemblées sous l’appellation trompeuse « Rainbow herbicides ». Traînée de poussière d’herbicides arcs-en-ciel. Mais, de tous les agents – blanc, rose, vert, bleu ou violet, l’orange fut le plus traître. Très stable et non soluble dans l’eau, il contient un poison insidieux, la dioxine qui, malgré sa pulvérulence ne se volatilise pas. L’agent orange est un infiltré, qui contamine de l’intérieur et pour longtemps. Responsable de l’érosion et de la stérilisation des sols, il s’est aussi insinué dans la chaîne alimentaire et génétique de la population exposée, encore victime de cancers et de malformations congénitales. Plusieurs générations sont ainsi marquées par cette tache indélébile, de la même manière qu’une traînée pigmentaire vient salir la feuille blanche de Présence nuage.

Tâche deux : neutralité immaculée
C’est également en 1965 que Donald Judd écrit son texte manifeste Specific Objects. Ni peinture ni sculpture, l’œuvre d’art y est redéfinie selon un idéal de neutralité et de simplicité absolues, comme un objet tridimensionnel dont l’expérience et la compréhension seraient immédiates et simultanées. Ces objets spécifiques sont des volumes géométriques au fini industriel parfait, lisses et immaculés, à tel point dépourvus d’ambiguïté et de résonances qu’ils furent qualifiés de creux. Comment articuler le détachement de ces pièces, en un sens hors de l’histoire, à l’actualité américaine alors plongée dans la guerre du Viet Nam ? À la question lancée par Artforum en 1970 « Selon vous, quel genre d’action politique les artistes devraient-ils mener ? », l’artiste justifiait son mutisme par un scepticisme quant aux prises de position doctrinaires ou sentimentales. L’art ne devrait servir aucun autre but que lui-même. Mais, tandis que ses œuvres menaient leurs propres recherches formelles, Judd manifestait contre la guerre du Viet Nam sur la 5e avenue. Thu Van Tran interroge l’aura dont jouit aujourd’hui le formalisme de l’art minimal en sabrant le cube que Toni Smith avait réalisa en 1962 aux dimensions du corps humain.

Tâche trois : pur sang et sale race
Alors qu’ils descendent d’un croisement initial de juments anglaises et d’étalons arabes, les chevaux Pur Sang passent pour être de race pure. Cette appellation serait donc un abus de langage révélateur, marquant le rapprochement fait entre la performance et la pureté de la race. Ce fantasme de pureté n’existerait pas sans son pendant du sang-mêlé, décliné dans un lexique infâmant : bâtardise, mulâtrerie, sale race… Thu Van Tran écrit en phonétique et en creux ces deux fictions racistes que sont le Pur Sang et la sale race. Jouant avec ses propres origines vietnamiennes, elle affronte également une ascendance non-blanche dans La mère jaune avec la piste d’un patronyme aux consonances germaniques, formé par l’anagramme de son propre nom. Thu Van Tran suggère ainsi la création qu’est l’identité, aussi bien lorsqu’elle s’affranchit des moules de la nationalité et des origines que lorsqu’elle s’y conforme.

Hélène Meisel, février 2011.

Ink on Canson paper, 48 × 72 cm
Edition of 5 ex.

Leba,
Ink on Canson paper, 48 × 72 cm
Edition of 5 ex
2011

View of the exhibition The Human Stain
Half Cube, (Base to minimal content),
wood, paint
91 x 182 x 182 cm
2004

View of the exhibition The Human Stain
Unsold, books, methylene blue,
Dimensions variable
2001
Being Hevea, wood, wax,
45 × 230 × 31 cm each box
Collection of the Musée Départemental
de Rochechouart, France
2011

Tongue
Paper silhouettes, 70 × 50 cm each
2011

Tongue
Paper silhouettes, 70 × 50 cm each
2011

Tongue
Paper silhouettes, 70 × 50 cm each
2011

View of the exhibition The Human Stain
Half Cube
2004
Being Hevea
2011
Unsold
Books, methylene blue, dimensions variable
2001

Unsold
Books, methylene blue, dimensions variable
2001

Twice
Plexiglas, 4 pieces forming two equilateral triangles of 50 cm and 1 cm thick
2011

Twice
Plexiglas, 4 pieces forming two equilateral triangles of 50 cm and 1 cm thick
2011

View of the exhibition The Human Stain
Unsold
Books, methylene blue, Dimensions variable
2001
Being Hevea
Wood, wax,
45 × 230 × 31 cm each box
Collection of the Musée Départemental de Rochechouart, France
2011

Being Hevea
Wood, wax,
45 × 230 × 31 cm each box
Collection of the Musée Départemental de Rochechouart, France
2011

Being Hevea
Wood, wax,
45 × 230 × 31 cm each box
Collection of the Musée Départemental de Rochechouart, France
2011

Being Hevea
Wood, wax,
45 × 230 × 31 cm each box
Collection of the Musée Départemental de Rochechouart, France
2011

Being Hevea
Wood, wax,
45 × 230 × 31 cm each box
Collection of the Musée Départemental de Rochechouart, France
2011

Being Hevea
Wood, wax,
45 × 230 × 31 cm each box
Collection of the Musée Départemental de Rochechouart, France
2011

Being Hevea (Detail)
Wood, wax,
45 × 230 × 31 cm each box
Collection of the Musée Départemental de Rochechouart, France
2011

Being Hevea (Detail)
Wood, wax,
45 × 230 × 31 cm each box
Collection of the Musée Départemental de Rochechouart, France
2011

Being Hevea (Detail)
Wood, wax,
45 × 230 × 31 cm each box
Collection of the Musée Départemental de Rochechouart, France
2011

Being Hevea (Detail)
Wood, wax,
45 × 230 × 31 cm each box
Collection of the Musée Départemental de Rochechouart, France
2011

View of the exhibition The Human Stain

View of the exhibition The Human Stain

Missionary on ground
White cotton, red ink
130 × 170 × 45 cm
2009

Missionary on ground
White cotton, red ink
130 × 170 × 45 cm
2009

View of the exhibition The Human Stain
Missionary on ground
White cotton, red ink
130 × 170 × 45 cm
2009
To the wall
Fossil, exposed wax, unfixed photosensitive paper
Variable dimensions
2011

To the wall
Fossil, exposed wax, unfixed photosensitive paper
Variable dimensions
2011

To the wall (Detail)
Fossil, exposed wax, unfixed photosensitive paper
Variable dimensions
2011

View of the exhibition The Human Stain
Trail dust
Photograph on Canson paper, spray can paint
30 × 40 cm (× 2)
Edition of 3 ex.
2011

Trail dust
Photograph on Canson paper, spray can paint
30 × 40 cm (× 2)
Edition of 3 ex.
2011